Mi-mai de cette année [2015], une vingtaine de personnes font irruption dans les bureaux de la Régie des Bâtiments (l’agence fédérale entre autre responsable de la construction des nouvelles prisons) à Saint-Gilles et y détruisent la maquette en exposition de la future maxi-prison à Haren. Les rebelles se sont éclipsés aussi vite qu’ils étaient apparus et personne n’a été arrêté. Maintenant, six mois plus tard, l’État cherche à faire payer quatre personnes pour cette action. Les accusations précises sont « bande organisée » et « destruction et dégradations de biens immobiliers ». La Régie des Bâtiments exige aussi 50 000 euros d’indemnités. Le procès aura lieu ce 10 décembre 2015. Personne ne se trouve actuellement en détention préventive.
C’étaient des semaines agitées dans la lutte contre la maxi-prison. Pendant que des rebelles enterraient symboliquement la future prison chez la Régie des Bâtiments, à moins d’un kilomètre de là-bas, se déroulait un énième spectacle démocratique avec une commission de concertation qui devait donner son avis afin que la Régie puisse obtenir les permis de construction pour la maxi-prison. La séance de cette commission était totalement militarisée : il fallait une permission spéciale pour y assister (normalement ce genre de spectacle est « public »), les flics présents en nombre fouillaient tous ceux qui avaient une telle permission et une partie de la salle où se trouvaient des responsables de la commission n’était littéralement pas éclairée, ils étaient dans l’ombre au nom de leur sécurité.
Cependant, quelques jours auparavant, d’autres responsables de la maxi-prison étaient bel et bien mis en lumière. Rudi Vervoort (le ministre-président de la Région bruxelloise) s’est réveillé avec des slogans contre la maxi-prison sur la façade de son domicile et un tas de fumier et de goudron sur le pas de sa porte. D’autres collaborateurs auront droit d’une façon similaire à la publicité qu’ils méritent, comme la responsable du projet de la maxi-prison au sein de la Régie, d’ailleurs ancienne directrice de la prison de Forest. Elle donnera sa démission le lendemain, craignant pour sa « sécurité ». La nuit d’avant, sur le chantier d’une maxi-prison en construction au pays de Galles de l’autre côté de la Manche, plusieurs pelleteuses sont incendiées. Le slogan « Feu aux prisons » est laissé sur place.
Entre temps, la lutte allait de bon train et aussi la répression se faisait à nouveau entendre. Le matin du 10 juin, des perquisitions ont lieu dans quatre domiciles et dans « Le Passage » à Anderlecht, un local de lutte contre la maxi-prison. Les compagnonnes et compagnons arrêtées seront relâchées dans l’après-midi. Un jour plus tard, à Bruxelles,un incendie volontaire ravage une partie d’un centre d’entreprises en construction (« Greenbizz », supposé accueillir des entreprises impliquées dans la technologie « verte »). Le chantier y était effectué par l’entreprise de construction BAM, bien connue pour sa participation à la construction de nouvelles prisons. Et quelques jours après les perquisitions, un rassemblement en solidarité avec la lutte se tient à Anderlecht. Dans les semaines qui suivent, des attaques ont eu lieu en France et au Chili, revendiquées en solidarité avec la lutte contre la maxi-prison à Bruxelles.
La destruction de la maquette était un bel acte. Un acte parmi les nombreux beaux actes dans cette lutte, qui peuvent nous donner une idée de quelles formes peut prendre le refus d’un énième projet dégueulasse de l’État. Un vrai refus qui n’est pas négociable, qui ne se laisse pas mettre de côté facilement en échange de quelques promesses (plus de verdure, une prison plus petite, un peu plus à gauche ou un peu plus à droite, plus de compensations financières pour les riverains…). Non, un refus total. Pas de maxi-prison, ni ici ni ailleurs. Pas maintenant, jamais. Un refus qui rejette résolument tout dialogue avec ceux qui sont au pouvoir. Un refus qui se diffuse en mots et devient concret dans des actes de sabotage et d’attaque contre ce projet et le système qui en a besoin.
Les seules limites de la rébellion, du blocage, du sabotage et de l’attaque sont celles que nous posons nous-mêmes.
8/12/2015
Publié dans Ricochets, bulletin contre la maxi-prison et le monde qui va avec, n° 13, décembre 2015 [Bruxelles]