[Tract collé sur les murs de Bruxelles]
Se lever à 7 heures pour se retrouver en avance devant les portes encore fermées, faire sa place dans la queue déjà longue en prévision des heures qui suivront, attente, avec chacun sa préoccupation (tu vas pas te plaindre hein ? T’es chômeur quand même !).
Une file qui s’étend jusque sur le trottoir les deux seuls jours ouvrables, en attente d’accéder aux deux seuls guichets qui font de « l’accueil », distribuant réponses et numéros pour cette attente, plus longue encore, qui suivra celle de la file, assis dans la salle d’attente. Ces petits tickets numérotés qu’on serre anxieusement comme les numéros gagnants d’un Loto imaginaire, chargés des possibles résolutions à nos problèmes, loyer, factures, ou de nos possibles déceptions.
Personne ne s’adresse la parole, ou presque, surveillant sa place dans le rang. Silence d’attente.
Pourtant ce matin, dans les heures bourdonnantes s’élèvent tout à coup des voix, qui gueulent, que « ça fait déjà des heures qu’on attend ! Que c’est pas possible ! Que faites votre boulot putain ! Que…pourquoi ya tellement de guichets vides là en bas et seulement deux personnes à l’accueil ? Que…je suis chômeur oui, mais je ne suis pas là pour justifier votre salaire… »
Des voix en écho qui accueillent, soutiennent, ou approuvent en silence ; les émotions que ça remue ; et les responsables, plus ou moins gradés qui se succèdent pour appeler au calme, au dialogue, au silence…à s’en aller ; rien n’y fait la voix persiste et continue de gueuler et se fera emmener ailleurs par les uniformes, les keufs !!, avec leurs gilets pare-balles. Et la gueule que ça lui fait au service public d’assurer sa permanence avec un flic de chaque côté du bureau.
Qu’on sache bien quelle est notre place, en file et en silence ;
Comme en taule où, quand une grève de matons aboutit à une situation encore plus insupportable que la détention jugée « normale », sans sortie, ni douche, ni même nourriture, ceux qui optent pour la révolte et la destruction brutale et immédiate des infrastructures seront rapidement ramenés au calme par la présence de l’armée…la jolie gueule d’humanitaire que ça lui fait au service public des prisons tenues par les uniformes militaires. Gueule d’ordre, à se taire, à rester calme…pas de questions sur la légitimité d’un ordre qui a besoin de tellement d’uniformes pour se défendre. Il doit être bon, doit être sans doute le seul possible ? Le problème c’est forcément ceux qui critiquent, qui gueulent ; eux les violents ; ou eux les indésirables, ces réfugiés dont on ne sait que faire et qu’on repousse toujours plus loin de nos frontières ou dans ces toutes nouvelles taules et camps sécurisés, là non plus pas de critique sur ce maintien de l’ordre qui multiplie murs et barbelés aux quatre coins du territoire.
Et quand de nouveau des voix s’élèvent et des actes de révolte se multiplient, éclatant les silences imposés et se déchaînant contre tous les acteurs, responsables et entrepreneurs de l’ordre public, en destructions matérielles, manifestations, journaux, tracts, tags, etc la sanction judiciaire tombe, comme dans le cas du procès contre douze anarchistes et antiautoritaires, accusés, entre autres, de participation à une association terroriste et différents actes de vandalisme dans le cadre de luttes contre les frontières et les prisons.
Terroristes, ceux qui gueulent quand la vie étouffe, quand l’humiliation les réduit, quand la misère leur est imposée ? Terroristes ceux qui se joignent à eux en solidarité ? Terroristes ceux qui refusent patiemment leur tour à la place qui leur est assignée, qui refusent d’accepter que « c’est normal et on devrait déjà être bien content ! Ça pourrait être pire… » ?
Non ; c’est cette mise sous silence le véritable terrorisme.
En solidarité avec les révoltes contre cet ordre et ses structures, dans la rue, les taules ou ailleurs